Littérature et maladie mentale
Appel nº 33 (2025)
Leer más acerca de Littérature et maladie mentaleCher(e)s collègues,
Au nom du comité de rédaction, nous avons le plaisir de vous adresser un nouvel appel à articles pour le numéro 33 de la revue Anales de Filología Francesa, éditée par l’Université de Murcia.
Le numéro, à paraître avant le 30 novembre 2025, comprendra trois parties distinctes :
a) Une section monographique
Cette section est consacrée au thème littérature et maladie mentale.
Ce numéro 33 invite les chercheurs à réfléchir sur les manifestations diverses des troubles mentaux dans la littérature d’expression française.
Depuis l’Antiquité, la folie fascine autant qu’elle n’inquiète. Tantôt considéré comme un sage, tantôt comme une créature à craindre et à contrôler, le fou marque profondément l’imaginaire littéraire, nourrissant les récits et les réflexions sur la condition humaine et les frontières de la raison au fil des siècles. La tragédie grecque, en particulier, nous offre des portraits saisissants : Oreste se débat entre folie meurtrière et quête de rédemption, Œdipe doit faire face à la folie qui naît de la transgression des lois divines. Au XVIIe siècle, Don Quichotte, anti-héros idéaliste et grotesque, devient fou par excès de lecture. Près de deux siècles plus tard, la solitude du promeneur de Rousseau ou la mélancolie profonde qui ronge René témoignent de l’intérêt grandissant pour les affres de l’âme et les manifestations diverses de la sensibilité humaine. Avec le réalisme et le naturalisme, on voit émerger une littérature qui scrute les troubles de la psyché humaine. Balzac, Flaubert et Zola dépeignent des personnages aux prises avec leurs démons intérieurs ; Baudelaire, par sa poésie spleenétique, tente d’exorciser son mal-être existentiel face à un monde moderne perçu comme hostile. L’émergence du fantastique, qui remet en question la toute-puissance de la raison, accompagne et nourrit les mouvements symboliste et décadent mettant en scène des personnages marqués par l’excentricité : dans À rebours Des Esseintes se retire du monde dans un esthétisme forcené et Hugues Viane sombre dans la folie après une tragédie amoureuse dans Bruges-la-Morte. Ces exemples, loin d’épuiser la richesse du sujet, ouvrent la voie à une réflexion profonde sur les liens complexes entre littérature et maladie mentale, entre création artistique et souffrance psychique. Cependant, si la littérature s’empare de la question des troubles psychiques depuis des siècles, force est de constater que cette représentation a souvent pris la forme d’une idéalisation réductrice, associant la folie au génie et à la sensibilité exacerbée (Touboul, Histoires de fous, 2020). Cette conception, héritée de Platon, postule que le fou, dans sa clairvoyance, serait capable d’appréhender le monde différemment. Or, cette vision idéalisée a contribué à forger une image mythifiée de la folie et à masquer la réalité de la souffrance psychique. Ce n’est qu’à partir des années 1960, lorsque la psychanalyse pénètre la sphère publique, que l’on observe un tournant majeur dans la représentation de la maladie mentale. Le concept de « folie » s’efface progressivement et laisse place à une approche médicale de la maladie mentale. Toutefois, si les avancées thérapeutiques ont permis une meilleure prise en charge des troubles psychiques, elles ont aussi conduit à une vision parfois réductrice, qui tend à résumer la folie à un simple dysfonctionnement biologique. C’est précisément ce que dénonce Foucault dans son ouvrage Histoire de la folie à l’âge classique (1961). Selon lui, la médicalisation de la folie masque des rapports de pouvoir et de domination, c’est pourquoi il invite à une lecture critique de la psychiatrie et de ses discours, ainsi qu’à une réhabilitation de la parole des malades. S’il s’attache essentiellement à déconstruire les mécanismes d’exclusion et de contrôle qui sous-tendent le discours psychiatrique, il n’aborde pas pour autant le lien entre folie et condition féminine. Cependant, on ne peut ignorer que la représentation de la folie a été marquée par une polarisation de genre. L’évolution de la représentation littéraire de la folie féminine au cours de l’histoire mérite en ce sens une attention particulière.
En effet, la littérature, en tant qu’espace privilégié d’expression, offre une perspective unique sur l’expérience humaine de la folie et permet de donner la parole à celles et ceux que la psychiatrie a souvent réduits au silence. Celle-ci se fait alors le lieu d’une véritable simulation de leurs états intérieurs et permet au lecteur de vivre par procuration et de développer une compréhension empathique – au sens d’em-pathos, « souffrir avec » en latin – de ce que peut ressentir un individu atteint de troubles psychiques. La fiction, selon Schaeffer dans son ouvrage Pourquoi la fiction ? (1999), possède la capacité de modéliser des situations qui ne sont pas nécessairement validées par le réel. Le lecteur, en se reconnaissant dans l’expérience dépeinte (que ce soit représentation, fiction de témoignage ou expérience d’écriture comme thérapie), peut ainsi réaliser qu’il n’est pas seul à vivre de telles épreuves. Ce partage, cette mise en mots qui vient de l’intérieur, est au cœur de la réflexion de Kristeva qui affirme qu’« écrire sur la mélancolie n’aurait de sens, pour ceux que la mélancolie ravage, que si l’écrit venait de la mélancolie » (Soleil noir, 1987 : 13). Cette perspective met en lumière l’importance du témoignage direct des malades dans la représentation de la souffrance psychique et suggère que la littérature constitue un outil privilégié pour lever le voile sur une réalité souvent ignorée, voire stigmatisée. La transposition littéraire du trouble mental, qu’elle prenne la forme d’un récit fictif, autofictif ou autobiographique, facilite « le passage du privé au public » (Tisseron, La honte, 2014 : 9). Plus encore, elle offre aujourd’hui une voix aux groupes marginalisés par le discours social, souvent confrontés à des diagnostics « genrés » ou à des stéréotypes culturels qui influencent la perception de leur expérience. La littérature, en leur permettant de s’exprimer, ne se contente pas d’explorer la douleur et la souffrance liées à la maladie mentale et de lui redonner toute sa dimension humaine, elle va bien au-delà et propose une réflexion profonde sur l’expérience de la maladie mentale dans toute sa complexité.
Ce numéro d’Anales de Filología Francesa se propose ainsi de réfléchir sur la représentation des troubles mentaux dans la littérature en langue française, en explorant tant les mutations historiques de cette représentation que ses enjeux esthétiques et éthiques.
Voici quelques pistes d’étude envisageables :
b) Une sélection de varia
Cette section comprend des travaux de recherche sur des sujets divers concernant la littérature/culture, la langue/linguistique, la réception/traduction, etc., dans le domaine d’expression française ou dans le rapport de celui-ci à d’autres langues.
c) Une section de comptes-rendus
Comptes-rendus d’ouvrages non littéraires appartenant au même domaine.
Délai de soumission d’articles et de comptes-rendus : 30 avril 2025.
Les propositions seront envoyées à travers le site web de la revue et il faudra pour cela créer un compte d’utilisateur en remplissant le formulaire à cet effet.
Pour que les articles puissent être publiés dans Anales de Filología Francesa, deux évaluations anonymes favorables sont indispensables. Les articles devront être conformes aux normes d’édition stipulées sur le site web. Les auteurs peuvent se reporter aussi aux numéros précédents de la revue, à titre de référence.
En attendant votre participation, bien cordialement.
Pedro Salvador Méndez Robles, Directeur
Elena Meseguer Paños, Sous-directrice
Lydia de Haro Hernández, Secrétaire
Appel nº 33 (2025)
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